La mémoire d’un peuple nomade

Publié le par GERARD Roland

La mémoire d’un peuple nomade
 
Grands conquérants ou simples voyageurs, qu’ils se nomment Alexandre Le Grand, Marco Polo ou Nikolaï Prjevalski, tous ceux qui pénétrèrent cette contrée d’Asie centrale connurent en l’abordant une exaltation mêlée d’anxiété. Combien passionnants sont les récits qu’ils nous ont rapportés des “monts célestes”, les Tian Shan, empreints de la mémoire des caravanes disparues, des civilisations englouties, des hordes déferlantes...
 
Dès le X° siècle en effet, les nomades kirghizes ont quitté la Sibérie méridionale pour s’intaller dans les Tian Shan. Ils y ont subi les invasions turco-persanes, puis kalmouks, dzoungars... Et il leur a fallu attendre la dislocation de l’Union soviétique, en 1991, pour connaître l’indépendance de leur pays. Aujourd’hui une nation kirghize existe, un Etat est en place. En dépit du désastre économique, à Biskek la capitale, dans les villes de province, dans le moindre village, on invente, on entreprend. Et dans les montagnes, à part les bergers, il y a les grands troupeaux de chevaux, moutons et yacks, qui s’en vont l’été sur les hauteurs.
 
Là-haut, entre trois et quatre mille mètres d’altitude, il n’y a point d’étable pour le bétail, ni d’école pour l’enfant, ni d’hôpital ou de cimetière pour qui que ce soit. Seulement la yourte, cette tente de feutre inchangée depuis la nuit des temps. Le cavalier de passage est invariablement invité à partager le khumus (lait de jument fermenté) tout en apportant les nouvelles de l’autre vallée, de l’autre montagne, de l’ailleurs.
 
 
Dans les villages posés comme un chapelet d’oasis au bord du lac Issyk-Kul, tout aujourd’hui n’est que la lutte de l’ancien et du nouveau. Le pasteur d’altitude s’est fait cultivateur, artisan, ouvrier, guide de tourisme, instituteur ou maire. Sur cette plaine riche et fertile, une belle agriculture donne froment, sarrasin, avoine, fruits et légumes de toutes sortes. Mais l’esprit du nomade demeure, présent dans chaque âme, dans chaque geste, sous chaque toit.
 
Les doyens, eux, font appel au héros “Manas” dont les exploits se sont transmis par la bouche des conteurs. Le feutre des yourtes et les broderies des femmes ne survivent pas à l’usure du temps. La civilisation kirghize ne possède pas de monuments. Pas de traces écrites pour raconter le passé. Mais mieux : la permanente reproduction des mœurs et des gestes par les générations qui se succèdent. La mémoire d’un peuple nomade dont les chants roulent avec l’orage et les nuées.
     
 

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